La voix des fleurs de Natsuki Sumeragi

Publié le par Roshieru

Que se passe-t-il lorsqu'un esprit tombe amoureux d'un simple être humain ? Alors qu'il cherchait la plus belle des fleurs de Chang-Han, ancienne capitale de la Chine sous les Tang, Song Gui-Xang, un jeune homme venant de passer le concours mandarinal, fait la connaissance de Ru-chun alors qu'il allait cueillir la pivoine d'un beau jardin. Après maintes hésitations, ce dernier décide de lui offrir l'une des fleurs... mais est-elle bien ce qu'elle semble être ?

Natsuki Sumeragi, à travers ce recueil de nouvelles dessiné en 1991, nous fait entrer dans l'univers de la Chine ancienne. S'inspirant de contes chinois traditionnels et de récits classiques sino-japonais, ces quatre nouvelles fantastiques tissent les destins tantôt tragiques, tantôt heureux, d'humains et d'esprits tombant amoureux les uns des autres.
A n'en pas douter, La voix des fleurs déplaira à ceux qui ne jurent que par l'action. Les autres se laisseront entraîner avec plaisir dans ces récits poétiques aux dessins soignés. Il est étonnant de noter que le trait de cet ouvrage n'a guère vieilli contrairement à d'autres mangas de la même époque. Natsuki Sumeragi fait preuve d'un grand talent pour restituer le cadre de la Chine ancienne. Si les décors restent rares comme dans de nombreux mangas du genre, ce n'est certainement pas par incompétence. Un simple coup d'oeil à la ville de Chang-An ou au temple de Gyoku-En, représentés sur les pages 6 et 7, permet de voir le soin que Natsuki Sumeragi apporte aux détails. Des décors aussi chargés auraient sans doute éclipsé les personnages et gâché certaines pages volontairement épurée (tel que la fin de la seconde histoire). Le talent de Natsuki Sumeragi ne s'arrête pas aux décors. Les costumes traditionnels sont reproduits avec rafinement et les personnages offrent une large palette d'expressions réalistes. On s'attendrait presque à les voir s'animer. Le trait de Natsuki Sumeragi s'éloigne fortement de ce que certains, sans y connaître grand chose, appellent le style manga. Preuve que le manga ne se limite pas à des personnages aux grands yeux et aux nez pointus. Il offre une large palette de style graphique et celui de Natsuki Sumeragi est unique. Des pages comme celle qui ouvre le début du Cri du tigre ont des allures d'estampes.
Les histoires, quant à elles, ne sont pas en reste. Si elles parlent d'amour avant tout, elles ne sombrent jamais dans la niaiserie. A cause du format, on pourrait craindre que Natsuki Sumeragi n'ait pas assez de place pour développer pleinement ses récits et opte pour des raccourcis faciles mais ce n'est nullement le cas. Elle prend son temps pour installer l'intrigue et développer ses personnages mais ne frustre jamais le lecteur par une fin trop précipitée. Certains reprocheront à l'ensemble de rester, somme toute, classique (il faut dire que Natsuki Sumeragi exploite le folklore chinois et que certains éléments auront évidemment été repris ailleurs) mais il n'est guère courant de trouver un manga se déroulant en Chine et encore moins en français.
L'édition d'Akata est de bonne facture. Le titre est intégralement adapté (onomatopées inclues) et la traductrice, ainsi que l'adaptateur, on fait un très bon travail. On regrettera, au niveau du lettrage, que la police employée pour certains textes (notamment les propos tenus par les personnages hors des bulles) détonne un peu avec les autres. Son aspect ne fait pas très bande-dessinée. Mais ce n'est somme toute qu'un détail qui ne gêne pas la lecture.
Seul regrets... l'absence des planches couleurs. Il aurait été agréable de profiter un peu plus du talent de Natsuki Sumeragi par celle-ci. Akata n'est pas en faute : il est rare que les volumes japonais contiennent eux-même les planches en couleur parues dans les magazines lorsqu'elles ne sont pas en début de volume.

Publié dans Ladies-Josei

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