Hanjuku joshi vol.01 de Morishima Akiko
Note : si les éditeurs ont créé une catégorie éditoriale du nom de girls love au Japon, le terme yuri (lys) reste encore très répandu chez les fans comme dans les magazines et n'a plus aucune connotation pornographique comme dans les années 80. Il n'y a donc aucune différence entre le yuri et le girls love, contrairement à celle qui existe entre le boys love (qui désigne des mangas traitant d'homosexualité masculine du plus soft au plus hard) et le yaoi (qui désigne exclusivement la pornographie que l'on trouve parfois dans le boys love).
"Quelle est la particularité d'un lycée pour filles ?
Il n'y a que des filles (bien sûr)."
Yae est sans aucun doute l'exemple type de la jeune fille féminine et désirable. Elle aime coudre et possède un corps aux formes généreuses. Mais Yae est mal dans sa peau car son apparence physique comme ses goûts ne correspondent pas à ses désirs profonds : elle voudrait être plus masculine et fait d'ailleurs tout pour ne pas laisser apparaître sa poitrine. Rien ne la blesse plus que lorsqu'on lui dit combien elle est féminine. Aussi, lorsqu'elle intégre, un lycée pour filles, Yae peine à trouver ses marques au sein de toute cette promiscuité, notamment dans les vestiaires où chacune se change sans gêne. C'est dans ce lycée que Yae rencontre Chitose qui est exactement comme elle voudrait être : sportive, d'allure masculine et sûre d'elle. Mais Yae ressent bientôt un curieux sentiment en présence de Chitose qui la compare à son "premier amour" et lui reproche de torturer son corps pour ne pas laisser paraître les signes de sa féminité.
Au contact de Chitose, Yae saura-t-elle s'accepter telle qu'elle est ?
Ne cherchez pas. Ce manga n'a pas été publié en France et son premier tome n'est sorti au Japon qu'en 2008.
Cela fait déjà quelques années que l'éditeur japonais Ichijinsha a lancé sa collection yuri à travers des magazines comme Comic Yuri Hime, lu par 70% de femmes, et Comic Yuri Hime S, destiné aux hommes et présentant des personnages plus moe. Morishima Akiko est l'une des auteurs à succès de la collection Yuri Hime Comics et Hanjuku joshi a notamment été distribué en partie via l'offre téléphone portable de Ichijinsha. Morishima a fait ses débuts dans le magazine lesbien Anisu en publiant des 4 koma puis a été l'assistante de Aoki Mitsue, une femme mangaka officiant dans le milieu érotique comique et vouant un culte au corps féminin en portant des affirmations aussi coquines que "Kyonyû suki" (J'adore les gros seins.) ou "Dekiru mono nara onna no ko to sekkusu mitai. Watashi bai kamoshiren" (Si je le pouvais, j'essayerais de coucher avec une femme. Peut-être que je suis bi.). Non, ne fantasmez pas, elle est mariée... Pour en revenir à Morishima Akiko, il semble qu'elle soit réellement lesbienne d'après le blog de Erica Friedman qui travaille avec elle sur l'anthologie internationale Yuri Monogatari. Ce détail pourrait paraître futile à connaître mais la plupart des mangaka de yuri sont soit des femmes hétérosexuelles, parfois issues du milieu boys love, soit des hommes.
De ce fait, beaucoup d'oeuvres provenant de la collection Yuri Hime Comics, des magazines de type ladies ou des magazines masculins ne correspondent pas toujours à ce que peut parfois rechercher un public lesbien en terme de réalisme. Côté publications spécialisées pour les homos, si vous êtes un homme, tout va bien, si vous êtes une femme, vous allez avoir du mal à trouver et les rares initiatives ont tendance à ne pas perdurer. Même Carmilla qui a tenté de trouver le soutien auprès des hommes, en proposant des histoires érotiques pouvant plaire aux deux lectorats, n'a pas réussi à tirer son épingle du jeu. Au Japon, les lesbiennes souffrent réellement d'un manque de visibilité et ne sont pas assez nombreuses à acheter ces magazines pour leur permettre de survivre. Par conséquent, l'exploitation du saphisme reste avant tout du domaine des hétérosexuels de tout sexe.
Un manga yuri créé par une mangaka supposée lesbienne ou ayant tout du moins débuté dans ce type de publications apporte-t-il quelque chose de différent au genre et encore plus dans les publications formatées de Ichijinsha ? A première vue, on pourrait dire que non. Le manga débute sur une énième histoire de lycéennes dans une école pour filles développant leur amitié fusionnelle et fraternelle vers quelque chose d'à la fois plus profond et pur nommé amour. Cela rappelle les shôjo shôsetsu de Yoshiya Nobuko (1896-1973) ou le plus moderne Maria sama ga miteru (1998-) de Oyuki Konno. Le yuri est fortement influencé par ces histoires où des jeunes filles vivent des relations saphiques le temps du lycée et finissent par retourner, avec joie ou non, dans le moule de la société à la fin de leur adolescence. En prime, on croit retrouver à travers les personnages de Hanjuku joshi le trop courant cliché, né dans les années 70 environ, de la blonde féminine, peu expérimentée ou innocente, et de la brune plus masculine et donc forcément dominatrice. Oui, ce n'est pas propre au boys love ! Horreur !
Seulement, Hanjuku joshi propose un traitement différent, dans un premier temps parce que Morishima ne cache pas pudiquement la sexualité comme dans une majorité de titres de la collection Yuri Hime Comics et dans un second temps parce qu'elle ne cherche pas à créer un univers où seul le saphisme s'exprime, une sorte de bulle où nos jeunes filles sont mises à l'écart du monde réel. Autrement dit, si les personnages ne se caractérisent jamais comme lesbiennes et ne se montrent pas revendicateurs, leurs relations sont toujours comparées plus ou moins en filigrane avec la norme de la société japonaise. Ceci est sans doute plus visible à travers le couple que forme l'élève allumeuse Hanashima avec son professeur Edogawa, femme adulte qui n'a jamais su trouver le bonheur et l'épanouissement sexuel auprès des hommes. Pour les unes, il s'agit simplement de se découvrir tandis que pour d'autres il s'agit de s'accepter telle qu'on a toujours été sans se l'avouer.
Yae et Chitose explorent l'amour entre femmes et découvrent mutuellement leur propre corps et leurs désirs sexuels, ce qui permet aussi à Yae de mieux s'accepter. Plusieurs scènes comiques se succèdent, avec Chitose qui déplore que les livres d'éducation sexuelle ne parlent pas d'homosexualité féminine et qui va chercher conseil auprès de sa soeur, une fujoshi fana de boys love et de yuri. On se rend alors compte que le fantasme yuri imaginé par la soeur et donc par une majorité de lecteurs - avec le cliché du prince et de la princesse -, ne suit pas la réalité que vit les deux jeunes filles. Après avoir perdu leur virginité ensembles, Yae et Chitose décident de rester ensembles quoiqu'il arrive. De l'autre côté, la relation entre Edogawa et Hanashima se traduit de façon un peu plus torturée. Hanashima apparaît tout d'abord comme la perverse bisexuelle de base qui harcèle sexuellement son professeur tout en sortant avec des hommes plus âgés qu'elle, quitte à sécher les cours. Mais peu à peu, Hanashima s'avoue qu'elle aime réellement Edogawa et les femmes contrairement à ce qu'elle prétendait. De son côté, Edogawa, plus immature sur le plan sexuel que sa propre élève, persiste à sortir avec des hommes alors qu'elle n'en tire aucune satisfaction sentimentale et physique, et qu'elle se montre incapable de coucher avec eux. Une situation d'autant plus paradoxale qu'elle était amoureuse de sa meilleure amie à l'époque du lycée mais a décidé ensuite de changer d'orientation. Pourtant, une mauvaise expérience et l'aveu de son attirance pour Hanashima lui permet enfin de s'accepter.
Montrant l'acte sexuel sans aucun camouflet, Hanjuki joshi n'est cependant jamais vulgaire et ne s'avère pas une lecture futile de plus. Le titre du manga en lui-même est loin d'avoir été choisi par hasard.
Traduit de façon idiote et littérale, Hanjuku joshi signifie fille à demi-cuite. Hanjuku est en fait utilisé en cuisine, notamment pour les oeufs, afin de désigner une cuisson qui n'est pas arrivée à son terme. Dans le contexte du manga, une Hanjuku joshi est une fille qui n'a pas encore connu d'homme de façon sexuelle. Hanashima emploie le terme pour désigner Yae et Chitose afin de signifier qu'elles ne sont ni matures ni adultes parce qu'encore vierges et pures. Bref, elles n'ont pas fini leur cuisson ou en d'autres termes ne sont pas de vraies adultes mais des enfants. Il faut savoir que l'histoire du lesbianisme au Japon est assez particulière. Avant d'être réprimé comme mal social peu avant la seconde guerre mondiale, seules les adolescentes avaient le droit de vivre ce genre d'histoire. Cet amour entre membre du sexe féminin était souvent considéré comme l'apanage des filles immatures, encore confuses dans leurs sentiments. Hana monogatari de Yoshiya Nobuko illustre parfaitement ce fait : les jeunes filles sont contraintes, une fois adulte, de retourner à la norme hétérosexuelle imposée par une société patriarcale, ce qui est pour elles une grande source de souffrance et parfois même de folie. Or, que remarque-t-on dans le manga ? Que Yae et Chitose se font à la fin du premier tome la promesse de rester des hanjuku joshi, des filles immatures, même une fois adulte (en d'autre terme, de rester lesbienne qu'importe ce que souhaite la société) tandis qu'Edogawa comme Hanashima assument leurs vrais désirs sexuels.
Pour la plupart des gens, Hanjuku joshi ne sera qu'un yuri érotique de plus mais ceux qui savent en déchiffrer certains codes comprendront que le dessein de Morishima va plus loin que dessiner des filles mignonnes qui se font des choses coquines, comme dans un Shôjo Sect ou un Yuri Hime Wildrose. Ou la preuve que l'on peut faire un manga divertissant tout en offrant un autre degré de lecture aux plus assidus... Il ne reste plus qu'à espérer que la suite se montre à la hauteur.

Il n'y a que des filles (bien sûr)."
Yae est sans aucun doute l'exemple type de la jeune fille féminine et désirable. Elle aime coudre et possède un corps aux formes généreuses. Mais Yae est mal dans sa peau car son apparence physique comme ses goûts ne correspondent pas à ses désirs profonds : elle voudrait être plus masculine et fait d'ailleurs tout pour ne pas laisser apparaître sa poitrine. Rien ne la blesse plus que lorsqu'on lui dit combien elle est féminine. Aussi, lorsqu'elle intégre, un lycée pour filles, Yae peine à trouver ses marques au sein de toute cette promiscuité, notamment dans les vestiaires où chacune se change sans gêne. C'est dans ce lycée que Yae rencontre Chitose qui est exactement comme elle voudrait être : sportive, d'allure masculine et sûre d'elle. Mais Yae ressent bientôt un curieux sentiment en présence de Chitose qui la compare à son "premier amour" et lui reproche de torturer son corps pour ne pas laisser paraître les signes de sa féminité.
Au contact de Chitose, Yae saura-t-elle s'accepter telle qu'elle est ?
Ne cherchez pas. Ce manga n'a pas été publié en France et son premier tome n'est sorti au Japon qu'en 2008.
Cela fait déjà quelques années que l'éditeur japonais Ichijinsha a lancé sa collection yuri à travers des magazines comme Comic Yuri Hime, lu par 70% de femmes, et Comic Yuri Hime S, destiné aux hommes et présentant des personnages plus moe. Morishima Akiko est l'une des auteurs à succès de la collection Yuri Hime Comics et Hanjuku joshi a notamment été distribué en partie via l'offre téléphone portable de Ichijinsha. Morishima a fait ses débuts dans le magazine lesbien Anisu en publiant des 4 koma puis a été l'assistante de Aoki Mitsue, une femme mangaka officiant dans le milieu érotique comique et vouant un culte au corps féminin en portant des affirmations aussi coquines que "Kyonyû suki" (J'adore les gros seins.) ou "Dekiru mono nara onna no ko to sekkusu mitai. Watashi bai kamoshiren" (Si je le pouvais, j'essayerais de coucher avec une femme. Peut-être que je suis bi.). Non, ne fantasmez pas, elle est mariée... Pour en revenir à Morishima Akiko, il semble qu'elle soit réellement lesbienne d'après le blog de Erica Friedman qui travaille avec elle sur l'anthologie internationale Yuri Monogatari. Ce détail pourrait paraître futile à connaître mais la plupart des mangaka de yuri sont soit des femmes hétérosexuelles, parfois issues du milieu boys love, soit des hommes.

Un manga yuri créé par une mangaka supposée lesbienne ou ayant tout du moins débuté dans ce type de publications apporte-t-il quelque chose de différent au genre et encore plus dans les publications formatées de Ichijinsha ? A première vue, on pourrait dire que non. Le manga débute sur une énième histoire de lycéennes dans une école pour filles développant leur amitié fusionnelle et fraternelle vers quelque chose d'à la fois plus profond et pur nommé amour. Cela rappelle les shôjo shôsetsu de Yoshiya Nobuko (1896-1973) ou le plus moderne Maria sama ga miteru (1998-) de Oyuki Konno. Le yuri est fortement influencé par ces histoires où des jeunes filles vivent des relations saphiques le temps du lycée et finissent par retourner, avec joie ou non, dans le moule de la société à la fin de leur adolescence. En prime, on croit retrouver à travers les personnages de Hanjuku joshi le trop courant cliché, né dans les années 70 environ, de la blonde féminine, peu expérimentée ou innocente, et de la brune plus masculine et donc forcément dominatrice. Oui, ce n'est pas propre au boys love ! Horreur !
Seulement, Hanjuku joshi propose un traitement différent, dans un premier temps parce que Morishima ne cache pas pudiquement la sexualité comme dans une majorité de titres de la collection Yuri Hime Comics et dans un second temps parce qu'elle ne cherche pas à créer un univers où seul le saphisme s'exprime, une sorte de bulle où nos jeunes filles sont mises à l'écart du monde réel. Autrement dit, si les personnages ne se caractérisent jamais comme lesbiennes et ne se montrent pas revendicateurs, leurs relations sont toujours comparées plus ou moins en filigrane avec la norme de la société japonaise. Ceci est sans doute plus visible à travers le couple que forme l'élève allumeuse Hanashima avec son professeur Edogawa, femme adulte qui n'a jamais su trouver le bonheur et l'épanouissement sexuel auprès des hommes. Pour les unes, il s'agit simplement de se découvrir tandis que pour d'autres il s'agit de s'accepter telle qu'on a toujours été sans se l'avouer.

Montrant l'acte sexuel sans aucun camouflet, Hanjuki joshi n'est cependant jamais vulgaire et ne s'avère pas une lecture futile de plus. Le titre du manga en lui-même est loin d'avoir été choisi par hasard.
Traduit de façon idiote et littérale, Hanjuku joshi signifie fille à demi-cuite. Hanjuku est en fait utilisé en cuisine, notamment pour les oeufs, afin de désigner une cuisson qui n'est pas arrivée à son terme. Dans le contexte du manga, une Hanjuku joshi est une fille qui n'a pas encore connu d'homme de façon sexuelle. Hanashima emploie le terme pour désigner Yae et Chitose afin de signifier qu'elles ne sont ni matures ni adultes parce qu'encore vierges et pures. Bref, elles n'ont pas fini leur cuisson ou en d'autres termes ne sont pas de vraies adultes mais des enfants. Il faut savoir que l'histoire du lesbianisme au Japon est assez particulière. Avant d'être réprimé comme mal social peu avant la seconde guerre mondiale, seules les adolescentes avaient le droit de vivre ce genre d'histoire. Cet amour entre membre du sexe féminin était souvent considéré comme l'apanage des filles immatures, encore confuses dans leurs sentiments. Hana monogatari de Yoshiya Nobuko illustre parfaitement ce fait : les jeunes filles sont contraintes, une fois adulte, de retourner à la norme hétérosexuelle imposée par une société patriarcale, ce qui est pour elles une grande source de souffrance et parfois même de folie. Or, que remarque-t-on dans le manga ? Que Yae et Chitose se font à la fin du premier tome la promesse de rester des hanjuku joshi, des filles immatures, même une fois adulte (en d'autre terme, de rester lesbienne qu'importe ce que souhaite la société) tandis qu'Edogawa comme Hanashima assument leurs vrais désirs sexuels.
