Electric Hands de Taishi Zaou

Publié le par Roshieru

Dans les écoles pour garçons et les familles priviliégées, on ne se contente pas de jouer sagement à saute-mouton entre camarades et frères. Ou peut-être que si mais seulement si on a le goût de l'euphémisme opportun. Rassurez-vous, vous êtes entre de bonnes mains, surtout si vous en êtes fétichistes et que leur contact vous déclenche des frissons électriques. Pas convaincu pour un sous ? Peut-être qu'un "petit frère" saura vous illustrer par A + B que les pré-adolescents ne sont vraiment pas ce qu'ils étaient de votre jeune temps.

Après Color du duo Eiki Eiki et Taishi Zaou, après Dear Myself de Eiki Eiki sans son âme soeur, voici Electric Hands de Taishi Zaou seule (ou presque). A quand le coquin Haru natsu aki fuyu (printemps, été, automne, hiver) de notre duo de mangaka ? Ah, on me souffle que c'est un yuri et que ça n'entre pas dans les plans d'Asuka. On peut donc se brosser pour avoir notre dose de petites culottes et de seins bouing bouing made in Eiki Eiki et Taishi Zaou (qui a dit "ouf" ?).
Comme on le devine très vite à la lecture, Electric Hands regroupe certaines des premières histoires de Taishi Zaou. En d'autres termes, c'est sympathique mais sans plus. On ne crachera pas sur le dessin, plutôt correct malgré un côté parfois brouillon sur la première histoire, mais sur les scénarios assez mal construits. Comme le signale Taishi Zaou dans ses notes, ses premiers travaux lui font honte et dans un sens on la comprend un peu. Voilà une mangaka un peu lucide, au moins. Et un éditeur qui l'est sans doute moins car on peut quand même se demander pourquoi Asuka publie un manga dont l'auteur elle-même n'est pas satisfait... N'est ce pas révélateur ?
La première histoire Electric Hands, qui donne son titre au recueil, n'est pas particulièrement passionnante. L'idée d'exploiter le fétichisme est intéressante sur le papier mais s'avère traitée de façon très limitée. Ce qui aurait pu être original reste finalement formaté et l'éditeur comme le manque de succès de cette histoire au Japon ne permirent pas à l'auteur de concrétiser quelques voeux un peu plus intéressants, soit inverser les rôles conventionnels entre uke et seme (comme on l'apprend dans les notes). A ce titre, les histoires suivantes reprennent cette idée de l'inversion, soit la domination sexuelle du plus faible sur le plus fort, illustrée ici par des pré-adolescents de douze ans assez précoces. Le problème, c'est que voir un gamin de douze ans se comporter en pervers ne plaira pas à tous, quoique certains y verront peut-être une illustration parfaite de l'enfance d'Asami Ryuichi, notre yakuza préféré (comprenne qui pourra). Enfin, tout cela est saupoudré à chaque partie du sempiternel "nous sommes des hommes, c'est mal, blabla". On préfère encore quand tout le monde est gay et ne se pose aucune question, un peu comme dans Viewfinder où tous les mafieux sans exception sont homos, bi ou refoulés. Attention, le problème n'est pas que les personnages s'interrogent sur leur sexualité mais plutôt que cette interrogation soit évacuée en une page et ne donne lieu à aucune réflexion en arrière plan. Quand on n'a aucune idée pour exploiter ce thème, on évite de l'aborder... En gros, à la lecture, on a l'impression que l'auteur nous assène cela parce qu'elle l'a entendu ailleurs, sans se demander pourquoi les gens pensent que c'est mal ou bizarre et sans donner son avis quel qu'il soit à ce propos. D'accord, on est dans le domaine du boys love, genre commercial par excellence, mais il faut aussi arrêter de prétendre que les auteurs de boys love sont incapables de réfléchir sur ce qu'elles écrivent. Lorsque l'on sait chercher, il est très facile de trouver côté japonais des auteurs intéressantes. Les oeuvres de divertissements con-con, oui, mais montrer autre chose au lecteur français qui ne peut pas se fournir en import et est moralement contre le scantrad serait bien aussi.
Car, comme je l'ai certainement déjà signalé dans d'autres chroniques, c'est finalement cela le gros problème de la collection boys love d'Asuka. Hormis Le jeu du chat et de la souris qui s'avère un peu plus mature, les autres titres tendent à se ressembler. On peut concevoir qu'Otona no mondai (Problèmes d'adulte, paru dans la collection Hanaoto de Hôbunsha) de Ima Ichiko est sans doute graphiquement moins vendeur - et, encore, ça reste à voir - mais éditer un boys love où le héros est un étudiant hétérosexuel dont le père se remarie avec un homme aussi jeune que son fils, est-ce que cela ne nous changerait pas de nos lycéens coquins et bêbêtes ? Parce que la force d'un titre comme Otona no mondai, ce n'est pas de nous étaler les ébats sexuels de ses héros mais tout simplement de traiter des relations compliquées entre un fils, un père gay et son amant. Publier Okane ga nai, pourquoi pas même si le choix est loin d'être judicieux : mais, par pitié, qu'on nous propose autre chose à côté ! C'est comme Taifu et ces boys love allemands refourgués par Tokyopop : sans être méchante (ou bien si), les gens du fandom n'en ont franchement rien à cirer. Ce n'est pas ce qu'ils veulent. Ces titres sont peut-être très bons, au demeurant, mais est-ce une bonne idée de les proposer quand tout le monde attend un Yamane Ayano (pour le divertissement) ou un Miyamoto Kano (qui a la réputation d'être plus intelligente) ? Mieux encore : est-ce que Naono Bohra, au dessin plus viril, taillé à la serpe (et dégoulinant de sperme quand on s'attaque à ce qu'elle a publié dans le magazine Reijin), ne pourrait pas toucher aussi un public qui ne supporte pas toujours les midinettes avec une queue et le côté lisse d'un Taishi Zaou ou Eiki Eiki ? On ne le saura jamais si on n'essaye pas.
Alors, évidemment, il faut quand même saluer Asuka pour avoir su relancer intelligemment un genre mal aimé et délaissé en France avec Le jeu du chat et de la souris mais cette première année et ce qui est annoncé pour 2009 laisse entrevoir une politique éditoriale qui cerne mal les désirs des fans et le genre. En fait, la première question qui vient à l'esprit est : "est-ce que la personne qui choisit les potentielles licences connaît vraiment le fandom et les magazines japonais ?". Mieux encore : "est-ce que cette personne connaît des auteurs un peu plus originales dans leur style que celles qu'on nous propose ?". Parce qu'en l'état, la collection d'Asuka se montre de plus en plus formatée. Or, est-ce élitiste que d'espérer d'un éditeur qu'il nous propose aussi des perles inattendues à côté de titres plus caricaturaux ? Je ne crois pas. C'est soigner son lectorat.

Publié dans Boys love

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